Les évolutions climatiques et leurs conséquences présentent une réelle menace pour le secteur de la caféiculture, et les répercussions de ces bouleversements se manifestent déjà dans les plantations, notamment par l’apparition de maladies comme la rouille à des altitudes jusqu'alors épargnées.
Il serait trompeur de penser que le défi climatique est le seul danger auquel doit faire face l’industrie du café durable, car les aspects sociaux et économiques impactent également la pérennité de la filière. En tant que torréfacteur, la Maison Caron représente le dernier maillon de la chaîne de valeur du café et il est de notre responsabilité d’accompagner la filière et, plus spécifiquement, les différentes coopératives auprès desquelles nous nous approvisionnons en café vert.
Défis et solutions pour une caféiculture durable
En dialoguant avec différents agriculteurs engagés dans la culture, la récolte et le traitement de nos cafés, nous avons identifié deux problématiques majeures à prendre en compte dès aujourd'hui pour envisager la pérennité de la filière à court terme avec plus de sérénité :
· L’âge des producteurs
· La rentabilité des exploitations
L’âge moyen des producteurs de café est aujourd'hui de 58 ans, et les jeunes générations se détournent de plus en plus de la culture du café. Ceci nous oblige à anticiper et à accompagner les transformations nécessaires dans les plantations et les stations de traitement, en prenant en compte les nouvelles contraintes physiques liées à l’âge, telles que le transport de charges, la station debout prolongée, et l’exposition aux phénomènes climatiques.
Une approche centrée sur l’agroécologie, notamment sur les notions d’agroforesterie et d’agriculture sur sol vivant, apporte des réponses concrètes à ces enjeux. Le développement d'une couverture végétale dense dans les plantations permet de réduire les températures sur place et d'offrir un ombrage efficace pour se protéger des épisodes de forte chaleur. De même, favoriser le travail sur sol vivant aide à réduire le stress hydrique, diminue le besoin en eau, limite le travail physique du sol et réduit le recours aux traitements phytosanitaires. Ainsi, une agriculture vertueuse présente des bénéfices manifestes pour l'environnement, la qualité des cafés, mais aussi pour les conditions de travail des agriculteurs.
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Innovation et durabilité : l’exemple de la Finca Gascon
Nous avons récemment eu l'opportunité d'échanger avec Felipe Contreras, le propriétaire de la Finca Gascon au Guatemala. Felipe est un jeune producteur dont la passion est communicative, et il développe une vision du café durable axée sur l'innovation, la qualité et la durabilité. Le travail entrepris sur la Finca Gascon est l'illustration parfaite de la caféiculture de demain : consciente des limites naturelles, ouverte à l'expérimentation et favorisant la qualité plutôt que la quantité.
Parmi les nombreuses initiatives prises sur cette plantation, le concept de «biofactory » nous a particulièrement intéressés. Cette approche vise à obtenir une indépendance totale vis-à-vis de l'industrie phytosanitaire, en produisant sur place les traitements (engrais, herbicides, fongicides et insecticides) nécessaires au bon développement des caféiers. En utilisant et valorisant exclusivement des matières premières naturelles et locales, transformées dans sa « biofactory », la Finca Gascon améliore sa rentabilité tout en préservant durablement ses ressources.
En démontrant qu'une autre forme de caféiculture est possible, le projet de Felipe et de la Finca Gascon inspire les jeunes générations et nous motive profondément !
Stabilisation des prix et viabilité économique dans le secteur du café durable
Il est frappant de constater que la majorité des exploitations ne génèrent pas suffisamment de profits pour couvrir leurs frais et envisager l'avenir avec sérénité. Dans ce contexte, le rôle des torréfacteurs et des consommateurs est crucial. Le prix d'achat du café vert, déterminé sur les marchés financiers de New York et Londres, fluctue quotidiennement en fonction de l'offre et de la demande, mais aussi des conditions météorologiques et des événements géopolitiques. Un épisode de gel au Brésil, par exemple, peut entraîner des conséquences dramatiques sur le prix perçu par les fermiers éthiopiens ou colombiens.
Pour limiter les risques liés à ces fluctuations imprévisibles, nous encourageons la mise en place de différentiels qui garantissent un prix plancher équitable pour toutes les parties impliquées. Opter pour des collaborations longues et minimiser les intermédiaires (paysans, coopératives, importateurs) contribue à apporter visibilité et stabilité économique aux producteurs, ce qui est essentiel pour aborder la question de la rentabilité.
Diversification des revenus : innovations avec les coproduits du café
La diversification des revenus est une stratégie essentielle pour renforcer l'économie des exploitations caféières. Le développement de coproduits du café, tels que la cascara, offre aux agriculteurs des sources de revenus supplémentaires. La cascara, peau et chair séchée de la cerise de café, est aujourd'hui valorisée en tant que produit commercialisable pour des infusions chaudes ou glacées. Faiblement caféinée, elle offre une boisson aromatique aux notes de prunes et de fève tonka, stimulant la créativité des chefs et des barmans.
Le secteur des coproduits est en pleine expansion, avec notamment la production de thés de café à partir des feuilles des caféiers, dont les premiers résultats sont prometteurs.
Face aux bouleversements actuels et futurs, l'inventivité, le respect des ressources naturelles et le bon sens paysan sont et resteront essentiels pour une caféiculture durable et résiliente, tant sur le plan écologique que social et économique.